Frénétique, tu tournes les pages du vieux livre posé sur tes genoux. Les images défilent, héros grecs aux exploits légendaires, dieux aux déboires cent fois connus. Tu contemples, amusé, cet idiot d'Héraclès, mort dans ses souffrances. Il a appris à son dépend que l'amour pouvait donner naissance au plus mortel des poisons, la jalousie. Tellement fort, tellement con, il n'avait eu que ce qu'il méritait. Et qu'en est-il des autres ? Existences fragiles, humaines, pitoyables.

« Mh. Excusez-moi ? » Ta tête se redresse. Tu es un homme politique brillant dans cette existence. Tu es le souverain de ton monde. Tu croises, de tes yeux de fer, le regard fuyant. « Vous avez un problème ? » Ta voix le brise, l'éclate, le courbe. Il a perdu du feu de sa forge. « Je … » Une inspiration, tu souris. « Vous vous intéressez à la mythologie, monsieur ? » Si seulement il savait.


« Parlez-moi de votre rêve. » La même voix, les mêmes angoisses, tu déglutis avec difficulté. Il y a de ces rêves qui te chassent, qui t'enlacent, te dévorent. Pas d'issue, ce sont toujours les mêmes. « Je ... » Tu fermes les yeux. C'était une mauvaise idée. « Je suis désolé, je pense que je ne devrais pas être ici. » Annonces-tu d'une voix tremblante. Les cernes s'agrandissent sur ton visage pâle. Tu dors mal et tu veux que ça cesse. Tu veux retrouver ta quiétude. « Monsieur. » La voix est douce, tranquille, elle ne trahit pas de peur, pas d'émotion, juste une profonde sérénité. « Vous pouvez parler, il n'y a que vous et moi dans cette pièce. »  Alors tu te laisses envoler, tu te laisses couler. « J'ai rêvé que je régnais sur l'enfer. » Le psy note, son stylo s'agite.


« Et si les rêves cachaient davantage de vérité que la réalité ? Et si les réponses étaient à deux pas de moi ? Muse, dis-moi... »